vendredi 9 mai 2014

une méthode de veille documentaire : la curation de contenu

Quiconque se livre à une recherche documentaire se voit confronté à la surabondance des réponses apportées à leur requête sur un moteur de recherche. Sérier les données, répérer les sites pertinents, isoler les réponses utiles du bruit est une préoccupation constante du documentaliste. D'autre part, le souci de mettre la plus-value apportée par la recherche sélective à la portée du public a amené les concepteurs de site web à chercher d'autres solutions que la publication des traditionnelles pages "de liens"... la veille documentaire est un travail de tout instant qui se révèle assez lourd si l'on veut suivre pas à pas l'actualité et éviter l'obsolescence des liens que l'on propose.

Depuis quelques années, une pratique nouvelle apparait fréquemment sur les réseaux sociaux, c'est celle de la curation de contenu. Cet anglicisme - content curation - vient en fait du verbe latin : curare, qui signifie soigner. On pourrait comparer la curation de contenu au travail d'un curateur d'exposition, qui sélectionne et dispose les oeuvres à présenter au public. La pratique est en fait similaire : la curation de contenu est la création d'une page web qui fédère, de façon normalisée, les liens vers des sites, pages, textes, vidéos ou images, pertinentes par rapport à un requête documentaire préétablie.

La forme est plus riche que le simple alignement de liens : chaque référence comporte un titre personnalisé, un extrait introduisant au contenu, le lien hypertexte, et la possibilité pour le curateur d'ajouter son propre commentaire. De plus les liens sont systématiquement répercuté sur les réseaux sociaux - facebook, twitter, google + ou autre, auquel le curateur est abonné.

C'est une manière commode d'alimenter un site sans produire soi-même de contenu. Le contenu ainsi mis en avant permet non seulement d'alimenter le site — même si dans la plupart des cas le site renvoie sur la source originale — mais également de permettre un meilleur référencement du site de curation par les moteurs de recherche.

Nadine Derwiduée, spécialiste en veille documentaire du Forem, Département Relations Internationales a présenté, ce 8 mai, l'outil de curation de contenu le plus connu : SCOOP-IT. Outil qu'elle utilise, dans ses fonctionnalités accessibles gratuitement, dans le cadre d'une veille documentaire consacrée à la politique de l'emploi au sein de l'UE. Elle met en évidence les avantages de cet outil convivial - simplicité, gratuité, efficacité et une relative souplesse dans la mise en oeuvre - et a présenté les principales étapes de sa mise en oeuvre : procédure d'inscription, choix de titre, définition de la requête par le choix des descripteurs, édition du contenu ainsi aggrégé - ce qui lui apporte une valeur ajoutée par la sélectivité et l'ajout de commentaire - et partage sur la plateforme de curation.

page d'accueil de Scoopit
Dans la pratique, le procédé est assez simple sur scoop it, encore faut il définir avec soin ses critères de recherche qui doivent être suffisamment précis pour éviter le bruit généré par une surabondance de réponses peu productives. Cela suppose aussi une définition préalable des besoins documentaires. La recherche se fait par le biais de moteurs de recherche - google par exemple - et privilégie les réseaux sociaux comme facebook, twitter, youtube. Les réponses générées automatiquement ne sont pas exhaustives et il convient le plus souvent d'explorer soi-même le web pour trouver d'autres documents qui peuvent être intégrés d'un clic de souris dans la curation.

La curation peut être effectuée hors d'un cadre professionnel et diffère de la veille documentaire proprement dite. La veille documentaire répond à une nécessité économique ou décisionnelle précise ; la curation, quant à elle, peut fort bien correspondre à un besoin subjectif de valorisation d'une thématique à l'intention d'un public spécifique. Le curateur est parfois décrit "comme un curieux, passionné d’un sujet et désireux de partager sa passion : une sorte de « DJ » de l’information numérique" (1) 

Plusieurs de curation de contenu existent. Outilveille décrit 15 outils de curation"incontournables".
un exemple de Pearltrees
Plusieurs d'entre eux ressemblent fort à Scoop-it. Pinterest est plutôt centré sur les images, mais pas exclusivement. Storify semble plus destiné aux journalistes flemmards, car il permet une génération quasi-automatique d'article (story en anglais) à partir d'une agrégation de sources diverses. Pearltrees présente ses résultats sous forme d'une arborescences de "perles" (correspondant à un site ou à un contenu) tandis que Addictomatic vous permet de créer en quelques secondes une page personnalisée autour d’un buzz ou d’un thème de veille ou d’actualité.

Si ces outils ont leur utilité et leur pertinence, il faut cependant rester conscient de leur limites, à la fois techniques - en fonction de la nature des services offerts - et psycho-sociales. La curation est une activité individuelle, non lucrative et non commanditée, qui répond à des besoins subjectifs de valorisation personnelles. Restructurant une masse de données selon des critères non validés par des tiers, la curation ne peut prétendre ni à l'exhaustivité ni à l'objectivité. Cependant le curateur - s'il est avisé - peut parfaitement mettre en valeur des sources ou des informations qui s'écartent du main stream, jouant ainsi le rôle d'un utile "filtre humain" dans un flux informationnel devenu pléthorique.

note
(1) Frédéric Martinet, Le curateur, cet animal social dans la jungle informationnelle, in Documentaliste-Sciences de l'Information - Vol. 49, 2012/1 - pp 24 et sq

sources et liens

lundi 28 avril 2014

Brocante au pied du Phare

 
Ce dimanche 26 avril, se tenait la brocante de quartier au pied du Phare.
Le soleil et la bonne humeur étaient au rendez-vous pour la quarantaine de participants.

 










Il y a un an, le jardin des Deux Cerisiers prenait vie grâce à quelques courageux du quartier Langeveld. Aujourd’hui, sous ses belles couleurs printanières, il était le centre des festivités avec le placement récent du tore de l’artiste Diord.









Les scouts du Rosaire proposaient dans leur stand, boissons et collations dans une agréable odeur de pop-corn.

C’était l’occasion pour le Phare de donner quelques informations et flyers sur les évènements du moment.














samedi 26 avril 2014

le zeste qui compte : expos et réflexions sur la souveraineté alimentaire


Avec « Le zeste qui compte », PointCulture propose de s’informer, réfléchir et s’amuser sur le thème de l’alimentation grâce à une sélection de formes et de propos variés, de l'enquête au documentaire sonore, des chants de travail au cinéma, des interviews aux textes de réflexion : une publication conçue pour déconstruire, reconstruire, réinvestir l’imaginaire de la nourriture et se réapproprier les représentations afin de retrouver le goût du choix et le plaisir du goût.

Point Culture organise, de février à juin, une exposition itinérante et un rendez-vous mensuel pour découvrir un film, discuter avec nos invités et parfois se prêter aux plaisirs d'une dégustation. Ces projections et échanges participatifs seront autant d'occasions de donner du sens à notre collection audiovisuelle et au travail que nous faisons sur elle en créant des liens avec des enjeux de société et des initiatives locales dont sont porteurs les asbl, réalisateurs et intervenants invités.


A Uccle, au PHARE, l'événement se déroule du 1er mai au 31 mai autour de plusieurs activités.

photo de Uli Westphal
Durant le mois de mai, Uli Westphal présente "Mutato project", une exposition photographique qui constitue un véritable défi à la standardisation industrielle des produits agro-alimentaires. Les fruits et légumes s'y présentent dans une liberté totale de formes, de couleurs et de textures qui - bien qu'ils soient tout à fait comestibles - sont absents des étalages de nos supermarchés.



Le vendredi 16 mai : après un accueil, à 19 h, par diverses organisations ou collectifs engagés sur les question de souveraineté alimentaire et la présentation de la brochure "le zeste qui compte", publié par Point Culture aura lieu, dès 19 h 40, la projection du film " Vers un crash alimentaire". Nourrir les hommes ou l'économie ?  est le questionnement central de ce documentaire choc, de Yves Billy et Richard Prost, sur une crise alimentaire généré par la production d'agro-carburant et la spéculation sur les produits agricoles : baisse des stock mondiaux des céréales, famine dans les pays producteurs, hausse du prix des matières premières, raréfaction de l'eau et des surfaces arables, épuisement des sols. Le film sera suivi, à 21 h, d'un échange participatif avec le public, mené par "Rencontre des continents" et le CNCD 11.11.11. où seront explorées des pistes concrètes pour changer le système agricole et alimentaire actuel.

le samedi 17 mai : un atelier-réflexion sur le thème de la viande se déroulera en matinée de 10 à 13 h 30.. En cause la production intensive de viande. Au delà de la question éthique de la souffrance animale, on tentera de comprendre les dimensions environnementales, économiques et culturelles de la production de viande en en soulignant les implications environnementales et sociales. On abordera la question des alternatives et la manière dont on peut collectivement se réapproprier notre modèle alimentaire au niveau citoyen et politique. Le film "LoveMEATender" et "le Jeu de la ficelle de la viande" sotn projetés en support des ateliers.

A partir du 12 jusqu'au 17 mai : exposition des caricatures de Pierre KROLL, qui illustre avec l'humour décapant qu'on lui connaît, les campagnes du CNCD-11.11.11. A coups de crayon corrosifs, le dessinateur montera à l'assaut des spéculateurs sur les denrées alimentaires, des entreprises accapareuses des terres et des industriels producteurs d'agro-carburants

Le tout avec le soutien de l'Echevin de la Culture et du Collège du Bourgmestre et Echevins d'Uccle



mercredi 9 avril 2014

Musique et cinéma

La musique a toujours accompagné le cinéma, peut-être pour étouffer le bruit des projecteurs dans la salle, mais surtout pour donner du sens aux images muettes qui s'agitaient sur l'écran du cinéma d'antan. La sonorisation du cinéma passa d'abord par la musique avant la parole et le bruitage... mais les relations entre le cinéma et la musique sont plus complexes qu'il ne parait. La médiathèque du PHARE met en exergue une abondante sélection de films où la musique prend toute son importance.

"Dès les temps héroïques, on s'est efforcé d'affranchir le cinéma de son silence inné" écrit Kracauer dans sa "Théorie du film". On a oublié aujourd'hui l'expérience de l'image muette, animée sur un écran de toile, depuis les baraques foraines au temps des Frères Lumières jusqu'aux luxueuses salles de l'âge d'or du cinéma muet. Certes un bonimenteur pouvait commenter en public les images, on se livra à des tentatives de sonorisation via des enregistrements phonographiques plus ou moins synchronisés, mais le plus souvent un pianiste accompagnait le film, en improvisant ses thèmes en fonction du déroulement de l'intrigue. Les oeuvres (et les salles) les plus prestigieuses se voyaient doté d'une orchestration complète. On comprit rapidement que la musique renforçait l'efficacité de l'image, mais comment ?





Pour rendre le spectateur totalement disponible aux images projetées sur l'écran, il faut abolir la distance qui le sépare de ces spectres animés du monde réel. Il y avait sans doute un paradoxe, ou une ironie sous-jacente, à accompagner le défilement des ombres cinématographiques, parfois dramatiques, tragiques, angoissante, d'une mélodie quelque peu stéréotypée, de relevant de l' easy listening, analogue à la musique lénifiante de bar ou de restaurant, de celle qui veille à ne pas interrompre les conversations. L'intention musicale au cinéma est cependant toute autre, elle vise à l'immersion, à plonger le spectateur dans l'intrigue, en se faisant l'exact contrepoint des émotions que l'image devrait susciter. Dans ses formes les plus abouties, la sonorisation du film muet réintroduisait le bruitage par la musique : les compositions de Edmund Meisel pour "le Cuirassé Potemkine" de Eisenstein, en 1925 en témoignent.

La musique cinématographique commente le film, "elle reformule dans son langage propre, certaines atmosphères, tendances ou significations des images qu'il accompagnent". Tout spectateur garde en mémoire les leitmotivs exotiques qui accompagnent - dans les westerns ou les films d'aventures - la confrontation du héros occidental avec le monde extérieur, hostile, des indigènes. Le spectateur de film noir prend conscience des moments décisifs de l'intrigue, sans même interpréter immédiatement l'image, par l'accentuation musicale qui l'accompagne. La musique renforce l'aspect matériel des thèmes visuel parfois au delà de toute vraisemblance, comme dans les documentaires animaliers de Walt Disney. Mais la musique agit aussi en contrepoint, par contraste et parfois le musicien se tait pour plus d'efficacité : le silence alourdit, par contraste, le suspense ou l'épisode dramatique et la dissonance glace d'effroi, en théâtralisant la tragédie.

Gene Kelly - Singing in the rain
Le mariage entre la musique et le cinéma a une histoire, ses techniques, ses acteurs et ses maîtres d'oeuvre... elle a été fructueuse à la fois pour le cinéma, qu'elle rend vivant, et pour la musique, qui s'ouvre, particulièrement depuis la sonorisation du film, à des horizons nouveaux. La composition musicale pour le cinéma devient un genre spécifique qui a contribué à renouveler la musique symphonique, à l'âge d'or du cinéma hollywoodien ; Par ailleurs, la musique classique fut largement utilisée, parfois à très bon escient, avec la collaboration active des compositeurs, mais aussi en courant le risque d'un dévoiement commercial. Tel spectateur mélomane, critique de cinéma, fut horrifié en voyant le "Fantasia", dans les années 1940, de Walt Disney: jamais plus il ne pourrait assister à une représentation de "l'apprenti sorcier" de Dukas sans l'associer à ...Mickey. Pouvons nous, cinéphiles, écouter les valses de Strauss, sans penser au ballet orbital des stations spatiales de Kubrick ? Pouvons-nous écouter la chevauchée des Walkyries sans bombarder - en imagination - le Vietnam ?

la sélection du PHARE

La musique (de film) existe donc souvent avant le tournage, elle existe aussi après, gagnant une autre vie et commercialisée comme "la bande sonore originale" du film à succès. Quels sont les rapports complexes entre le musicien et le cinéaste ?
Pour tenter de répondre à cette question, la médiathèque d'Uccle - le PHARE - offre une sélection de films - où s'illustre remarquablement l'apport de la musique, non pas seulement comme accompagnement - ce qui est le cas de la quasi totalité des films - mais comme élément essentiel de l'oeuvre cinématographique soit à travers la création musicale intentionnelle (ici s'ouvre la question des rapports, parfois difficiles, entre cinéastes, producteurs et compositeurs) soit à travers l'usage, parfois très créatrice, de musiques préexistantes, usage qui leur donne parfois une seconde vie, mais au risque de "trahir" le compositeur. La musique est parfois une composante du scénario en jouant un rôle précis dans le récit ; elle est souvent le thème central du film - on parcourt ici les diverses variantes, allant du biopic de compositeur ou de chanteur, à la comédie musicale où à l'opéra filmé... Le jazz et la musique contemporaine (rock, pop, et musique populaire) sont naturellement très présents dans le cinéma d'aujourd'hui. On peut examiner à part l'usage de la musique d'avant-garde - sérielle, atonale, dodécaphonique, concrète ou électronique - dans le cinéma expérimental.

Deux ouvrages de la bibliothèque complètent le parcours :

Musique et cinéma : le mariage du siècle ? / sous la direction de N. T. Binh - éd. Acte Sud - N° 103399 - CR : 780:791.4 MUS -

Ce livre richement illustré interroge l'identité propre de la musique de film et propose des réponses spécifiques en s'adressant aussi bien aux cinéphiles qu'aux mélomanes; Préface par le compositeur Alexandre Desplant et enrichi d'entretiens indéits avec des musiciens, des cinéastes et des professionnels, l'ouvrage réunit les meilleurs spécialistes sur le sujet.

Théorie du film : rédemption de la réalité matérielle / Siegfried Kracauer. - éd Flammarion, 2010 -
n° 98414 - 791 KRA t

Philosophe, romancier, journaliste et historien, issu de la République de Weimar, et proche de l'école de Francfort, Kracauer fut également un critique et théoricien reconnu du cinéma. Dans son ouvrage de synthèse, écrit en 1947, il élabore une esthétique matérielle du cinéma et consacre un important chapitre à la musique de film.

sites web


sur le site de Point culture, une page sur "musique classique et cinéma", un parcours thématique allant du muet jusqu'aux sons Dolby, répartis en séquences chronologiques et thématiques

ailleurs



Je retiens ici, c'est un choix tout personnel, quelques oeuvres marquantes associant musique et cinéma.

- Le cuirassé Potemkine - VX1894 - musique de E. Meisel

Ce chef d'oeuvre de Eisenstein bénéficia de l'accompagnement musical du compositeur autrichien Edmund Meisel lors de sa sortie en Allemagne en 1925. Mais l'histoire de la sonorisation de ce film, qui subit la censure en Allemagne, est complexe dans la mesure où les enregistrements originaux furent perdus et le film n'a pu être restauré - dans sa sonorisation des années 1930 (interdite par la suite par les nazis)  - qu'à la faveur de la redécouverte des disques à aiguille destinées à la synchronisation... en URSS, le film fut diffusé par le studio Mosfilm dans une nouvelle version avec une musique composée par Nicolaï Krioukov, qui sera exportée en de nombreux pays. De même, toujours en Russie, le film circula avec un accompagnement musical constituées d'extraits d'oeuvres de Chostakovitch. La partition de Meisel - dans ses différentes version et reprises - est considérée comme l'original, et se rapprochant le plus des intentions initiales du film : elle fut exécutée en étroite collaboration avec le théâtre Piscator et bénéficia de critiques fort contrastées, souvent très élogieuses mais parfois plus nuancées, voire désapprobatrices en raison des innovations audacieuses pour l'époque, en particulier l'usage délibéré du bruitage, des rythmes et des dissonances pour rendre compte des scènes de machine, de combat et du fameux massacre de l'escalier d'Odessa.


- le chanteur de Jazz (Al Jolson) - premier film parlant (et chantant) - VC0889

Ce film musical américain d'Alan Crosland sorti en 1927 est considéré comme le premier film parlant, plusieurs scènes chantées et quelques dialogues étant insérées au milieu des scènes muettes (qui restent cependant les plus nombreuses).
C'est une version cinématographique de la pièce de Samson Raphaelson , qui relate l'histoire d'un chanteur, fils d'une famille juive traditionnelle, réprouvé parce qu'il se livre à la chanson de cabaret. La sonorisation par le procédé Vitaphone de la Warner Bros avait été expérimenté à de nombreuses reprises pour des courts métrages et des films sonores mais Le Chanteur de jazz inclut pour la première fois des dialogues synchronisés à l'image. Et c'est par le biais de la comédie musicale que le cinéma entre dans sa nouvelel dimension : cela montre aussi le lien qui va exister entre Broadway et Hollywood pendant plusieurs décennies.
 
- M le maudit de Fritz Lang (1931) - VX1942 -

Il s'agit du premier film parlant de Fritz Lang et c'est un leitmotiv musical qui hante l'esprit du spectateur. La présence du meurtrier pédophile (interprété par Peter Lorre) est soulignée par un extrait de la suite du peer Gynt de E. Grieg ("Dans l'antre du roi de la montagne") sifflée de manière obsessionnelle par le criminel. L'utilisation du leitmotiv musical est encore une nouveauté en 1931. Il ne sert pas seulement à créer une ambiance mais a une finalité scénaristique précise : en premier lieu il exacerbe le suspense en signifiant la présence, hors champ, de l'assassin mais constitue la clef du dénouement : un marchand de ballon aveugle reconnaît le tueur, recherché en vain par la police, grâce à la chanson qu'il siffle.

- Prova d'orchestra, de Fellini (1978) - VR1505

Si la musique est présente dans ce film, c'est en tant que production sociale. Une équipe de télévision filme les répétitions d'un orchestre symphonique et interviewe les musiciens qui confient au reporter, qu'on ne verra jamais, leur point de vue subjectif, et marqué par un individualisme exacerbé, sur leur rôle dans l'orchestre. Le chef d'orchestre arrive, la répétition commence mais son autoritarisme suscite la rébellion parmi les musiciens qui se comportent plus en salariés syndicalistes qu'en artistes préoccupés par l'oeuvre qu'ils interprètent. Métaphore d'une certaine déliquescence sociale, Prova d'orchestra interroge d'une manière ironique et critique les rapports à l'autorité, l'individualisme et les attitudes anarchisantes. On pourrait y voir un bilan négatif de la génération 68 mais aussi une peinture désenchantée d'une utopie : celle d'une créativité spontanée, d'une révolte artistique (fluxus ou les situationnistes ne sont pas loin) interrompue brutalement par la démolition de la salle de répétition - métaphore de la crise économique ? - et aboutissant à la soumission finale des rebelles.

lundi 31 mars 2014

The Bad Plus au Bozar

The Bad Plus est un trio de jazz américain formé du pianiste Ethan Iverson, du contrebassiste Reid Anderson et du batteur David King. Le trio est connu pour ses reprises de chansons ou morceaux populaires, et pour ses performances Live.

 
The Bad plus. Everybody want's to rule the World - 2008, à Sidney au Basement Night club


Le groupe se produit dès ce mercredi 2 avril au Bozar ( voir l'annonce du concert ) qui présente l'évenement comme suit : 


Cela fait déjà 12 ans que Reid Anderson, Ethan Iverson et David King - formant ensemble The Bad Plus - se sont affranchis du jazz conventionnel, qu’ils mêlent à des influences venues du pop et du rock. Leur travail sans concession a souvent donné lieu à des controverses alors que leur musique originale, typique, les a propulsés à l’avant-garde d’un mouvement instrumental qui plaisait au public d’initiés comme au grand public. Le groupe jouit d’une notoriété importante grâce à ses reprises de Nirvana, Pink Floyd, Ornette Coleman, David Bowie… Durant son concert à Bruxelles, The Bad Plus interprète des morceaux de tous ses CD.

Notre médiathèque possède plusieurs CD de ce groupe :
 the Bad Plus sur Facebook


samedi 29 mars 2014

blogs et bibliothèques publiques

Ma participation à l'apéro numérique du 28 mars, m'a amené à réfléchir sur les implications du blog en bibliothèque public. Voici l'essentiel de mon exposé du 28 mars

Les bibliothèques utilisent souvent le blog comme outil de promotion de leurs services . Le blog complète les modes de diffusion classique, comme le catalogue en ligne ou les sites web de présentation de la bibliothèque. Plus personnel et souvent plus créatif, le blog s'adapte bien aux changements culturels induits par l'ère numérique.

Nous vivons une période de mutation, l'informatique est devenue banale, l'internet est omniprésent et s'impose comme un quasi monopole radical comme mode de communication, les supports numériques tendent à supplanter le support papier, les outils numériques mobiles – de l'ordinateur portable au smartphone en passant par les tablettes tactiles - suscitent de nouveaux usages et mode de consommation culturelle. La visibilité des bibliothèques publiques sur ces nouveaux médias devient un enjeu essentiel si elles veulent être un acteur réel de transition entre l'ère du papier et l'ère numérique. Le bibliothécaire voit son rôle changer à mesure que la bibliothèque devient un lieu de convergence de divers publics et divers acteurs, autour d'activités plurielles dans lesquelles le prêt du livre (ou du media audiovisuel) s'accompagne d'autres activités : conférences, ateliers d'écriture ou de lecture, heure du conte, spectacles et rencontres culturelles, animations diverses.

Comme institution la bibliothèque dispose de plusieurs solutions pour assurer sa visibilité sur le web. Dans la palette des outils disponibles le blog apparaît comme une solution tout à fait appropriée par la rapidité et la facilité de sa mise en oeuvre. Le blog semble supplanté, pour certains, par le développement des réseaux sociaux mais reste une activité importante dans de nombreuses bibliothèques

Le blog réunit les avantages de l'auto-publication (analogue au site web classique) et de l'interactivité caractérisant les forums et les outils de communication collective. Mais au contraire des forums qui sont semi-privés, le blog est public. 

Un des caractères propre au blog est la présentation "antéchronologique" des apports : le "post" le plus récent apparaissant en premier, les plus anciens étant progressivement archivés chronologiquement. Des systèmes d'attribution de descripteurs (mots clefs) permet souvent un affichage thématique. Enfin, la possibilité de publier des commentaires, avec ou sans modération préalable, permet une interactivité avec le public.

Ainsi le blog, par son caractère calendaire, est bien adapté à la tenue on line d'un journal. Il permet une auto-présentation de soi, une mise en scène autobiographique ou intellectuelle centrée sur l'individualité de l'auteur. 
 
En quoi dans ce cas le blog pourrait être utile à une institution ? ou comment un bibliothécaire, dans le cadre professionnel, peut utiliser le blog au service de son institution et de ses usagers ? En quoi le blog est-il une solution adaptée aux bibliothèques ?
Le blog est une forme d'auto-édition (qui ne passe pas par la validation d'un tiers - éditeur) qui s'inscrit dans la durée (présentation antéchronologique) et qui est validée par la reconnaissance publique à la fois d'autres blogueurs et par les lecteurs. La conquête et la fidélisation d'un public est donc un enjeu essentiel pour la plupart des blogueurs, même si certains d'entre eux ne se préoccupent que peu de cet aspect : le blog étant dans ce un support de méditation, ou d'expression quelque peu narcissique, une forme de journal intime livrée au regard d'un public abstrait. Mais la plupart du temps, le blogueur recherche ses commentateurs. 
 
Le blogueur mobilise lui-même son audience en effectuant un travail relationnel soutenu : présence comme commentateur dans d'autres blogs (si tu ne lis (et ne commente) pas, tu ne seras jamais lu), échanges de liens (pratique du rétro-lien), publicité dans les réseaux ou par mail, recherche de référencement par les moteurs de recherche. En conséquence l'édition d'un blog suppose un travail constant qui, pour le bibliothécaire, prend le pas, ou entre en concurrence, avec d'autres tâches tout aussi indispensables. La régularité de l'édition est un élément essentiel à la survie du blog. Un blog délaissé durant quelques semaines, perd irrémédiablement son public.

La pratique du "blog institutionnel" répond à une logique différente du blog personnel dont la motivation est souvent d'ordre psychologique (auto-représentation de soi, valorisation narcissique, ou expression idéologique) ou sociétal (expression d'un engagement socio-politique ou partage d'un hobby)

Pour résumer, nous pouvons déceler quatre motivations essentielles : l'auto-affirmation de soi, la communication d'opinion ou d'une passion personnelle, la création artistique, enfin des motivations économiques, ou socio-économiques : par exemple le positionnement sur le marché du travail, la promotion d'un service, d'un produit, ou la valorisation d'une institution dans lequel on travaille.

Plutôt que d'opposer le blog personnel (narcissique, idéologique, hobbyiste, artistique) au blog institutionnel ou professionnel (sous tendu par des intérêts économiques et utilitaires, répondant à une logique communicationnelle visant un public cible), il serait plus judicieux de chercher les points de convergence et d'associer les deux aspects.

En parcourant les blogs de bibliothèques on peut relever divers usages/fonctions du blog
  • visibilité institutionnelle
  • mise en valeur des collections et services
  • interactivité avec les usagers
  • élargissement du public
  • créativité culturelle

Un schéma permet de dresser une sorte de typologie des blogs de bibliothèques. Le blog s'inscrit sur une double axe selon le centre d'intérêt et le public privilégié: l'axe institution - media détermine l'objet dominant du blog, selon qu'il décrit ou met en valeur l'institution (et ses services) ou les médias qu'elle propose. l'axe professionnel - personnel souligne le degré d'engagement de l'auteur selon qu'il se contente d'être le miroir de son institution, ou formule un discours personnel l'engageant vis-à-vis tant de son public que de l'institution commanditaire du blog. Enfin aux angles, se définissent les publics cibles privilégiés. Ainsi la valorisation de l'institution, la mise en avant des services qu'elle propose, vise certes le public des usagers (potentiels ou réels) mais légitimise aussi l'institution par rapport aux pouvoirs organisateurs et dispensateurs de subsides. 
 
La valorisation des collections, des médias mis à disposition du public, sert essentiellement les usagers de la bibliothèque. Dans des démarches plus personnelles et engagées, le bibliothécaire peut sortir de sa neutralité professionnelle pour se faire critique - esthétique ou idéologique - des oeuvres proposées. De même lorsqu'il met en évidence sa pratique professionnelle, il s'adresse aussi à ses pairs. Dans d'autres cas, l'engagement personnel confine à la créativité artistique ou philosophique, le blog devient le support, ou le prétexte, d'une réflexion ou d'une production littéraire qui, s'il parait gratuite, contribue néanmoins à la visibilité et à la légitimité de l'institution qui le produit, en tant qu'acteur dans le champ culturel

La pratique du blog en bibliothèque public soulève trois problématiques :

1. la première est celle de l'investissement nécessaire, sur le plan technique, sur le plan intellectuel et sur le plan communicationnel, qui impliquent un coût en termes de temps de travail et de ressources humaines.

2. La seconde sont les implications déontologiques. Dans un cadre professionnel, le blogging présuppose un mandat institutionnel : le blogueur ne parle pas en son nom propre et engage l'entreprise ou l'institution qu'il l'emploie. Un devoir de réserve doit être respecté et il est souvent nécessaire de bien préciser – avec l'employeur – la marge de manoeuvre dont dispose le blogueur et son degré de liberté d'expression. De plus, comme médiateur culturel, le bibliothécaire se doit de respecter la déontologie propre à sa profession
Il s'inscrit aussi dans un cadre légal : le blogueur est considéré comme éditeur responsable, y compris en ce qui concerne les commentaires déposés par les internautes. Il doit donc être attentif au respect du code de la propriété intellectuelle, tant dans le but de préserver ses droits comme auteur, que de respecter ceux des tiers.
Cela implique une attention dans la gestion des rétroliens et des commentaires et ne pas hésiter à « modérer », voire censurer, les envois illicites de par leur contenu (diffamatoire, haineux, racistes etc.. )
Un autre aspect de l'éthique de la communication est l'exigence de rigueur intellectuelle, dans la vérification et citation des sources d'information – l'internet est le lieu de toutes les rumeurs infondées – et dans l'objectivité des comptes rendus des activités, et si engagement il y a, ce qui se justifie pleinement en critique artistique, il doit être explicite.

3. la dernière problématique pose la question de la rentabilité, en mettant face à face les coûts (économiques et humains) et les avantages escomptés de l'ouverture d'un blog. 
 
En conclusion on peut dire que la création d'un blog relève d'une décision stratégique, mettant en jeu, à terme, l'image de l'institution qui la crée et le développement de ses activités

Patrice Deramaix

quelques liens et ressources concernant le blog

wikipedia – blog : http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog
biblioblog : liste de blogs de bibliothécaires et documentalistes francophones - http://www.bibliopedia.fr/index.php/Biblioblogs
Comment lancer et faire fonctionner un blog de bibliothèque ? Quelques pistes concrètes à partir de l’exemple du Buboblog, par Helly Perrine : http://mediationdoc.enssib.fr/lire-en-ligne/sommaire/iii-se-former-et-accompagner-les-equipes/comment-lancer-et-faire-fonctionner-un-blog-de-bibliotheque-quel
Bibliosession : les paradoxes des blogs de bibliothèques : http://www.bibliobsession.net/2009/03/05/les-paradoxes-des-blogs-de-bibliotheques/

vendredi 28 mars 2014

un Apéro numérique au PHARE

Le PILEn (Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique) et Bela, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles organisent régulièrement des Apéros numériques qui rassemblent, autour d'un buffet convivial, des personnes concernées à divers titres par l'édition numérique et son impact sur la vie culturelle et sociale. A cet occasion, des auteurs et des conférenciers sont invités à ces événements. 

En décembre 2012, le PHARE avait accueilli ces "apéros" autour du thème de l'auto-édition. L'événement fut un succès et se répète ce vendredi 28 mars avec la cinquième édition des Apéros numériques avec cette question "Quelles communautés de lecteurs et quels sont les nouveaux prescripteurs à l’ère numérique dans le monde du livre actuel ?" 

voici la présentation de cette rencontre qui a lieu le 28 mars 2014 à 19 h au PHARE :

Depuis quelques temps, sur le net, ont émergé des plateformes qui rassemblent des lecteurs, des auteurs, des éditeurs, des bibliothécaires et d’autres amateurs et professionnels du livre et de l’édition. On y donne son avis, on recommande, on organise des événements, des actions promotionnelles autour du livre. A côté de ça, la fonction de prescripteur en matière de livre se déplace. Les lignes de forces bougent. Le secteur de la presse écrite ou télévisuelle n’’est plus le seul référent en la matière. Les réseaux sociaux sont mis à partie, des « cercles » d’amateurs (au sens noble du terme) se développent. Comment fonctionnent-ils ? Quels sont leurs objectifs ? Quel impact ont-ils sur la chaîne du livre ? Pour répondre à ces questions et d’autres, Bela, en collaboration avec le Pilen, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, recevra Louis Wiart, qui prépare une thèse sur les réseaux socionumériques de lecteurs et la prescription littéraire sur Internet, Pierre Krause de Babelio,  ainsi qu’Emmanuel Requette, libraire de Ptyx. et Patrice Deramaix de la bibliothèque-médiathèque le PHARE (Uccle)

Dans la continuité de cet événement, le PILEn organise une formation spécifique, d'une journée, le 4 avril, consacré aux « Réseaux sociaux de lecteurs : acteurs, stratégies, nouveaux usages et opportunités pour les professionnels du livre ». L'objectif de cette formation est d'identifier les nouveaux acteurs constituant, au sein de la toile, des réseaux sociaux autour de livre et de la lecture. Est-ce seulement une forme nouvelle des cercles de lecture ? et quels en sont les pratiques, et présentent-ils une opportunité pour les professionnels du livre ?

Quand ? Vendredi 4 avril, de 09h30 à 16h45 (accueil café dès 09h, pause déjeuner entre 12h45 et 13h30)
Où ? Maison des Auteurs, rue du Prince Royal 87, 1050 Ixelles (métro Louise, arrêt de tram Stéphanie)
Combien ? Cette formation est gratuite. La présence durant toute la journée est obligatoire
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présentation de la formation, par le PILEn