vendredi 9 mai 2014

une méthode de veille documentaire : la curation de contenu

Quiconque se livre à une recherche documentaire se voit confronté à la surabondance des réponses apportées à leur requête sur un moteur de recherche. Sérier les données, répérer les sites pertinents, isoler les réponses utiles du bruit est une préoccupation constante du documentaliste. D'autre part, le souci de mettre la plus-value apportée par la recherche sélective à la portée du public a amené les concepteurs de site web à chercher d'autres solutions que la publication des traditionnelles pages "de liens"... la veille documentaire est un travail de tout instant qui se révèle assez lourd si l'on veut suivre pas à pas l'actualité et éviter l'obsolescence des liens que l'on propose.

Depuis quelques années, une pratique nouvelle apparait fréquemment sur les réseaux sociaux, c'est celle de la curation de contenu. Cet anglicisme - content curation - vient en fait du verbe latin : curare, qui signifie soigner. On pourrait comparer la curation de contenu au travail d'un curateur d'exposition, qui sélectionne et dispose les oeuvres à présenter au public. La pratique est en fait similaire : la curation de contenu est la création d'une page web qui fédère, de façon normalisée, les liens vers des sites, pages, textes, vidéos ou images, pertinentes par rapport à un requête documentaire préétablie.

La forme est plus riche que le simple alignement de liens : chaque référence comporte un titre personnalisé, un extrait introduisant au contenu, le lien hypertexte, et la possibilité pour le curateur d'ajouter son propre commentaire. De plus les liens sont systématiquement répercuté sur les réseaux sociaux - facebook, twitter, google + ou autre, auquel le curateur est abonné.

C'est une manière commode d'alimenter un site sans produire soi-même de contenu. Le contenu ainsi mis en avant permet non seulement d'alimenter le site — même si dans la plupart des cas le site renvoie sur la source originale — mais également de permettre un meilleur référencement du site de curation par les moteurs de recherche.

Nadine Derwiduée, spécialiste en veille documentaire du Forem, Département Relations Internationales a présenté, ce 8 mai, l'outil de curation de contenu le plus connu : SCOOP-IT. Outil qu'elle utilise, dans ses fonctionnalités accessibles gratuitement, dans le cadre d'une veille documentaire consacrée à la politique de l'emploi au sein de l'UE. Elle met en évidence les avantages de cet outil convivial - simplicité, gratuité, efficacité et une relative souplesse dans la mise en oeuvre - et a présenté les principales étapes de sa mise en oeuvre : procédure d'inscription, choix de titre, définition de la requête par le choix des descripteurs, édition du contenu ainsi aggrégé - ce qui lui apporte une valeur ajoutée par la sélectivité et l'ajout de commentaire - et partage sur la plateforme de curation.

page d'accueil de Scoopit
Dans la pratique, le procédé est assez simple sur scoop it, encore faut il définir avec soin ses critères de recherche qui doivent être suffisamment précis pour éviter le bruit généré par une surabondance de réponses peu productives. Cela suppose aussi une définition préalable des besoins documentaires. La recherche se fait par le biais de moteurs de recherche - google par exemple - et privilégie les réseaux sociaux comme facebook, twitter, youtube. Les réponses générées automatiquement ne sont pas exhaustives et il convient le plus souvent d'explorer soi-même le web pour trouver d'autres documents qui peuvent être intégrés d'un clic de souris dans la curation.

La curation peut être effectuée hors d'un cadre professionnel et diffère de la veille documentaire proprement dite. La veille documentaire répond à une nécessité économique ou décisionnelle précise ; la curation, quant à elle, peut fort bien correspondre à un besoin subjectif de valorisation d'une thématique à l'intention d'un public spécifique. Le curateur est parfois décrit "comme un curieux, passionné d’un sujet et désireux de partager sa passion : une sorte de « DJ » de l’information numérique" (1) 

Plusieurs de curation de contenu existent. Outilveille décrit 15 outils de curation"incontournables".
un exemple de Pearltrees
Plusieurs d'entre eux ressemblent fort à Scoop-it. Pinterest est plutôt centré sur les images, mais pas exclusivement. Storify semble plus destiné aux journalistes flemmards, car il permet une génération quasi-automatique d'article (story en anglais) à partir d'une agrégation de sources diverses. Pearltrees présente ses résultats sous forme d'une arborescences de "perles" (correspondant à un site ou à un contenu) tandis que Addictomatic vous permet de créer en quelques secondes une page personnalisée autour d’un buzz ou d’un thème de veille ou d’actualité.

Si ces outils ont leur utilité et leur pertinence, il faut cependant rester conscient de leur limites, à la fois techniques - en fonction de la nature des services offerts - et psycho-sociales. La curation est une activité individuelle, non lucrative et non commanditée, qui répond à des besoins subjectifs de valorisation personnelles. Restructurant une masse de données selon des critères non validés par des tiers, la curation ne peut prétendre ni à l'exhaustivité ni à l'objectivité. Cependant le curateur - s'il est avisé - peut parfaitement mettre en valeur des sources ou des informations qui s'écartent du main stream, jouant ainsi le rôle d'un utile "filtre humain" dans un flux informationnel devenu pléthorique.

note
(1) Frédéric Martinet, Le curateur, cet animal social dans la jungle informationnelle, in Documentaliste-Sciences de l'Information - Vol. 49, 2012/1 - pp 24 et sq

sources et liens