Ma
participation à l'apéro numérique du 28 mars, m'a amené à
réfléchir sur les implications du blog en bibliothèque public.
Voici l'essentiel de mon exposé du 28 mars
Les
bibliothèques utilisent souvent le blog comme outil de promotion de
leurs services . Le blog complète les modes de diffusion
classique, comme le catalogue en ligne ou les sites web de
présentation de la bibliothèque. Plus personnel et souvent plus
créatif, le blog s'adapte bien aux changements culturels induits par
l'ère numérique.
Nous
vivons une période de mutation, l'informatique est devenue banale,
l'internet est omniprésent et s'impose comme un quasi monopole
radical comme mode de communication, les supports numériques tendent
à supplanter le support papier, les outils numériques mobiles –
de l'ordinateur portable au smartphone en passant par les tablettes
tactiles - suscitent de nouveaux usages et mode de consommation
culturelle. La visibilité des bibliothèques publiques sur ces
nouveaux médias devient un enjeu essentiel si elles veulent être un
acteur réel de transition entre l'ère du papier et l'ère
numérique. Le bibliothécaire voit son rôle changer à mesure que
la bibliothèque devient un lieu de convergence de divers publics et
divers acteurs, autour d'activités plurielles dans lesquelles le prêt
du livre (ou du media audiovisuel) s'accompagne d'autres activités :
conférences, ateliers d'écriture ou de lecture, heure du conte,
spectacles et rencontres culturelles, animations diverses.
Comme
institution la bibliothèque dispose de plusieurs solutions pour
assurer sa visibilité sur le web. Dans la palette des
outils disponibles le blog apparaît comme une solution tout à fait
appropriée par la rapidité et la facilité de sa mise en oeuvre. Le
blog semble supplanté, pour certains, par le développement des
réseaux sociaux mais reste une activité importante dans de
nombreuses bibliothèques
Le
blog réunit les avantages de l'auto-publication (analogue au
site web classique) et de l'interactivité caractérisant les forums
et les outils de communication collective. Mais au contraire des
forums qui sont semi-privés, le blog est public.
Un des caractères
propre au blog est la présentation "antéchronologique"
des apports : le "post" le plus récent apparaissant en
premier, les plus anciens étant progressivement archivés
chronologiquement. Des systèmes d'attribution de descripteurs (mots
clefs) permet souvent un affichage thématique. Enfin, la possibilité
de publier des commentaires, avec ou sans modération préalable,
permet une interactivité avec le public.
Ainsi
le blog, par son caractère calendaire, est bien adapté à la tenue
on line d'un journal. Il permet une auto-présentation de soi, une
mise en scène autobiographique ou intellectuelle centrée sur
l'individualité de l'auteur.
En
quoi dans ce cas le blog pourrait être utile à une institution ? ou
comment un bibliothécaire, dans le cadre professionnel, peut
utiliser le blog au service de son institution et de ses usagers ? En
quoi le blog est-il une solution adaptée
aux bibliothèques ?
Le
blog est une forme d'auto-édition (qui ne passe pas par la
validation d'un tiers - éditeur) qui s'inscrit dans la durée
(présentation antéchronologique) et qui est validée par la
reconnaissance publique à la fois d'autres blogueurs et par les
lecteurs. La conquête et la fidélisation d'un public est donc un
enjeu essentiel pour la plupart des blogueurs, même si certains d'entre
eux ne se préoccupent que peu de cet aspect : le blog étant dans ce un support de méditation, ou d'expression quelque peu narcissique,
une forme de journal intime livrée au regard d'un public abstrait.
Mais la plupart du temps, le blogueur recherche ses commentateurs.
Le
blogueur mobilise lui-même son audience en effectuant un travail
relationnel soutenu : présence comme commentateur dans d'autres
blogs (si tu ne lis (et ne commente) pas, tu ne seras jamais lu),
échanges de liens (pratique du rétro-lien), publicité dans les
réseaux ou par mail, recherche de référencement par les moteurs de
recherche. En
conséquence l'édition d'un blog suppose un travail constant qui, pour le bibliothécaire, prend
le pas, ou entre en concurrence, avec d'autres tâches tout aussi
indispensables. La
régularité de l'édition est un élément essentiel à la survie du
blog. Un blog délaissé durant quelques semaines, perd
irrémédiablement son public.
La
pratique du "blog institutionnel" répond à une logique
différente du blog personnel dont la motivation est souvent d'ordre
psychologique (auto-représentation de soi, valorisation narcissique,
ou expression idéologique) ou sociétal (expression d'un engagement
socio-politique ou partage d'un hobby)
Pour
résumer, nous pouvons déceler quatre motivations essentielles :
l'auto-affirmation de soi, la communication d'opinion ou
d'une passion personnelle, la création artistique, enfin des motivations
économiques, ou socio-économiques : par exemple le positionnement sur le marché
du travail, la promotion d'un service, d'un produit, ou la valorisation
d'une institution dans lequel on travaille.
Plutôt
que d'opposer le blog personnel (narcissique, idéologique,
hobbyiste, artistique) au blog institutionnel ou professionnel (sous
tendu par des intérêts économiques et utilitaires, répondant à
une logique communicationnelle visant un public cible), il serait
plus judicieux de chercher les points de convergence et d'associer
les deux aspects.
En
parcourant les blogs de bibliothèques on peut relever divers
usages/fonctions du blog
visibilité
institutionnelle
mise
en valeur des collections et services
interactivité
avec les usagers
élargissement
du public
créativité
culturelle
Un
schéma permet de
dresser une sorte de typologie des blogs de bibliothèques. Le blog
s'inscrit sur une double axe selon le centre d'intérêt et le public
privilégié: l'axe institution - media détermine l'objet dominant
du blog, selon qu'il décrit ou met en valeur l'institution (et ses
services) ou les médias qu'elle propose. l'axe professionnel -
personnel souligne le degré d'engagement de l'auteur selon qu'il se
contente d'être le miroir de son institution, ou formule un discours
personnel l'engageant vis-à-vis tant de son public que de
l'institution commanditaire du blog. Enfin aux angles, se définissent
les publics cibles privilégiés. Ainsi la valorisation de
l'institution, la mise en avant des services qu'elle propose, vise
certes le public des usagers (potentiels ou réels) mais légitimise
aussi l'institution par rapport aux pouvoirs organisateurs et dispensateurs de subsides.
La
valorisation des collections, des médias mis à disposition du
public, sert essentiellement les usagers de la bibliothèque. Dans
des démarches plus personnelles et engagées, le bibliothécaire
peut sortir de sa neutralité professionnelle pour se faire critique
- esthétique ou idéologique - des oeuvres proposées. De même
lorsqu'il met en évidence sa pratique professionnelle, il s'adresse
aussi à ses pairs. Dans d'autres cas, l'engagement personnel confine
à la créativité artistique ou philosophique, le blog devient le
support, ou le prétexte, d'une réflexion ou d'une production
littéraire qui, s'il parait gratuite, contribue néanmoins à la
visibilité et à la légitimité de l'institution qui le produit, en
tant qu'acteur dans le champ culturel
La
pratique du blog en bibliothèque public soulève trois
problématiques :
1. la
première est celle de l'investissement nécessaire, sur le plan
technique, sur le plan intellectuel et sur le plan communicationnel,
qui impliquent un coût en termes de temps de travail et de
ressources humaines.
2. La
seconde sont les implications déontologiques. Dans un cadre
professionnel, le blogging présuppose un mandat institutionnel : le
blogueur ne parle pas en son nom propre et engage l'entreprise ou
l'institution qu'il l'emploie. Un devoir de réserve doit être
respecté et il est souvent nécessaire de bien préciser – avec
l'employeur – la marge de manoeuvre dont dispose le blogueur et son
degré de liberté d'expression. De plus, comme médiateur culturel,
le bibliothécaire se doit de respecter la déontologie propre à sa
profession
Il
s'inscrit aussi dans un cadre légal : le blogueur est considéré
comme éditeur responsable, y compris en ce qui concerne les
commentaires déposés par les internautes. Il doit donc être
attentif au respect du code de la propriété intellectuelle, tant
dans le but de préserver ses droits comme auteur, que de respecter
ceux des tiers.
Cela
implique une attention dans la gestion des rétroliens et des
commentaires et ne pas hésiter à « modérer », voire
censurer, les envois illicites de par leur contenu (diffamatoire,
haineux, racistes etc.. )
Un
autre aspect de l'éthique de la communication est l'exigence de
rigueur intellectuelle, dans la vérification et citation des sources
d'information – l'internet est le lieu de toutes les rumeurs
infondées – et dans l'objectivité des comptes rendus des
activités, et si engagement il y a, ce qui se justifie pleinement en
critique artistique, il doit être explicite.
3. la
dernière problématique pose la question de la rentabilité, en
mettant face à face les coûts (économiques et humains) et les
avantages escomptés de l'ouverture d'un blog.
En
conclusion on peut dire que la création d'un blog relève d'une
décision stratégique, mettant en jeu, à terme, l'image de
l'institution qui la crée et le développement de ses activités
Patrice Deramaix
quelques
liens et ressources concernant le blog